L’édition 2024 d’Immédia, organisée par l’A2C, s’est tenue le 10 octobre dernier à Montréal. Animé par Luis Areas, président du Comité permanent des directeur.rices médias du Québec et vice-président, stratégie de canaux et développement des affaires, associé chez CARTIER, le rendez-vous annuel de l’industrie a eu lieu dans le tout nouvel espace événementiel Le Bungalow. Ce sont 230 participant.es de tous horizons qui se sont réuni.es pour échanger et réfléchir sur les tendances, les défis et les opportunités qui transforment le paysage médiatique d’ici.
Résumé, nouveautés et apprentissages de cette journée riche en réflexion.
Créer du contenu en phase avec l’audience : le succès de Le grand chantier RONA
La journée a débuté en force, portée par une discussion phare animée par Valérie Jolivet (directrice de groupe, Starcom Canada) sur la production de la téléréalité Le grand chantier RONA, un projet collaboratif du quincailler avec Zone3 et Bell Média. Décrite comme « un projet né d’un rêve », cette réalisation d’ici a permis à la marque de gagner en notoriété, tout en captant l’attention du public avec du contenu engageant et authentique. Jacynthe Prince (directrice principale, marketing de marque, RONA) a expliqué le changement de paradigme qui doit s’opérer lorsqu’on produit un contenu de ce type, loin des traditionnels messages 30 secondes télé : « Quand on réalise du contenu comme Le grand chantier RONA, les consommateur.rices choisissent de nous regarder. Il faut considérer ce choix comme un privilège et l’honorer. »
Et la clé de cette réussite réside dans la coopération entre les équipes créatives et commerciales, comme l’ont précisé Olivier Hunter (gestionnaire principal, créativité média et commercialisation multiplateforme, Bell Média) et Corine Trudel (vice-présidente, développement, création et production, non-fiction, Zone3). « Chacun a fait confiance à l’expertise de l’autre, car le but commun était de produire le meilleur contenu possible », a expliqué cette dernière. On retient de cette initiative son grand succès (augmentation de toutes les mesures de réussite, tant pour la marque que pour le diffuseur), en même temps que la nécessité de concevoir du contenu qui, s’il est gagnant pour toutes les parties prenantes, est aussi intéressant pour l’auditoire.
La multiplication des plateformes et l’avenir de la production
Le panel suivant, tenu par les expert.es Marianne G. Courchesne (directrice stratégie média, Glassroom), Jérôme Couture (producteur exécutif associé, Groupe Cinélande et président du CA, APP), Richard Jean-Baptiste (vice-président et producteur exécutif, innovation et développement d’affaires, Attraction) et Gabrielle Julien (responsable des productions audiovisuelles, URBANIA), a abordé les défis liés à la fragmentation des audiences et à la multiplication des plateformes. L’animatrice et les trois panélistes ont mis l’accent sur la nécessité d’adapter le contenu aux différentes plateformes plutôt que de simplement le dupliquer. Ici aussi, on souligne l’importance du.de la consommateur.rice dans l’équation : « Dans une marée de contenu, il faut savoir aller chercher l’attention de notre audience, qui est plus que jamais critique face à la publicité », a ajouté Gabrielle Julien.
S’il est vrai que la multiplication des plateformes pose certaines difficultés en production, Richard Jean-Baptiste a quant à lui encouragé les marques à y voir une occasion d’explorer des approches innovantes comme le divertissement de marque (branded entertainment) pour y faire face. Déclarant que nous sommes dans une période extrêmement optimiste pour oser faire différemment, il a lancé une invitation claire aux annonceurs : « Brassez la cage pour qu’on vous propose des tactiques qui sortent de l’ordinaire ».
L’IA dans les médias d’information : menace ou opportunité ?
L’intelligence artificielle a été un sujet central de la journée, abordée sous différents angles comme le journalisme, par exemple, avec François Cardinal (éditeur adjoint et vice-président information, La Presse) et Valérie Pisano (présidente et cheffe de la direction, Mila) comme locuteur et locutrice, dans une entrevue menée par Pierre-Luc Paiement (vice-président principal et directeur général, K72).
Bien que l’IA puisse poser des défis d’un point de vue journalistique, notamment en soulevant des enjeux quant à la propriété du contenu, elle est aussi vue comme une occasion pour les salles de presse d’améliorer l’efficacité des processus rédactionnels et de se concentrer sur des tâches à plus haute valeur ajoutée. Toutefois, François Cardinal a soulevé le point à l’effet que « les médias qui s’en sortiront le mieux seront ceux qui pourront garantir que leur contenu est exempt d’IA », reflétant une crainte croissante face à la perte d’authenticité, surtout dans un contexte d’information où la concurrence s’annonce féroce.
Face à tous ces bouleversements, comment adapter nos stratégies devant la montée de l’intelligence artificielle dans notre industrie? « Ce n’est pas le moment de s’ancrer dans ses certitudes », a lancé Valérie Pisano. Tirer son épingle du jeu passera par une meilleure compréhension de l’IA, qui est loin d’être une invention comme les autres. Elle invite chacun.e à ne pas rester inactif.ve devant ces changements, mais plutôt à s’interroger sur les différents scénarios possibles pour son organisation et prévoir des solutions potentielles aux enjeux soulevés. Et cela est d’autant vrai tant dans notre vie professionnelle que dans notre vie citoyenne. La pensée critique sera de plus en plus essentielle dans les prochaines années, surtout en communication, ont ainsi conclu les deux panélistes.
La montée de la baladodiffusion
Animée par Jean-Philippe Grimard (gestionnaire des ventes, Cogeco Média) et Nicolas Thomson (directeur, performance et contenu digital, Cogeco Média), la conférence sur la baladodiffusion a mis en lumière la croissance perpétuelle de ce format au Canada et son potentiel d’attraction d’audiences diversifiées, notamment chez les jeunes générations. Avec une consommation moyenne de trois heures par jour, l’audio demeure un média de proximité puissant et encore sous-estimé. Jean-Philippe et Nicolas ont par ailleurs prédit que la croissance du balado est loin d’être terminée : une occasion pour les marques d’intégrer leur contenu dans la vie quotidienne des auditeur.rices et de se connecter à des cibles plus jeunes, qui, contrairement à certaines idées reçues, sont prêtes à payer pour du contenu de qualité.
Les deux intervenants ont également souligné un changement dans la création de ce type de produit. Après avoir connu, dans les dernières années, une période d’explosion du nombre de balados offerts, on observe maintenant une tendance vers la qualité plutôt que vers la quantité. Pour réussir, les créateur.rices doivent se concentrer davantage sur la stratégie de contenu en définissant de manière claire leur public cible et en maximisant la découvrabilité via des capsules courtes, des intégrations et une présence sur différentes plateformes. Encore ici, les conférenciers ont insisté sur la nécessité de tenir compte des envies de l’audience ciblée dans la création d’un balado. Les marques qui sauront en tirer parti seront certainement favorisées : malgré la montée en puissance de la vidéo, l’audio conserve l’avantage unique d’un écosystème plus ouvert, avec moins de restrictions en matière de distribution que la vidéo.
Éthique et avenir du marketing d’influence
Nicolas Bon (fondateur et CEO, Clark Influence) et Vincent Bronner (associé, directeur stratégie, Clark Influence) ont pour leur part abordé l’évolution du marketing d’influence, soulignant la nécessité d’instaurer des pratiques éthiques pour garantir la transparence et la crédibilité des créateur.rices de contenu. Devant une industrie en forte croissance, les dérives liées aux partenariats non divulgués et aux faux.sses abonné.es ont été évoquées, mettant en relief l’importance d’établir des standards de pratique. La Charte éthique pour les créateur.rices de contenu et les influenceurs — lancée plus tôt cette année par Clark Influence en collaboration avec plusieurs acteur.rices de l’industrie — inclut des principes tels que l’authenticité, la transparence, l’intégrité (ex. : tester un produit avant de le recommander) et le respect des droits d’auteur. Les intervenants ont également insisté sur le fait de tenir compte des impacts environnementaux dans le marketing d’influence comme la promotion excessive de produits ou de voyages. Aussi, avec la montée de l’intelligence artificielle, de nouvelles questions se posent sur la nécessité de spécifier si un contenu a été créé ou non avec des outils génératifs. Les conférenciers ont par ailleurs plaidé pour une régulation accrue de cette pratique, tout en appelant les marques à faire confiance aux créateur.rices de contenu pour maintenir un lien authentique avec leurs audiences.
La journée (est encore jeune) : authenticité et unicité
Pour conclure cette journée de rencontres, Michèle Duchesneau (vice-présidente adjointe, stratégie, Touché !), Sylvie Julien (première directrice, ICI Première), Dario Leblanc (premier directeur, planification, stratégie et gestion des grilles, Radio-Canada) et Jean-Philippe Wauthier (animateur) ont revisité les tout débuts de l’émission La journée (est encore jeune), qui a évolué pour devenir un contenu multimédia incontournable du paysage médiatique québécois.
Dans la dernière décennie, on remarque que de plus en plus d’initiatives multiplateformes émergent, permettant d’élargir considérablement les audiences et de multiplier les points de contact. Dans ce contexte, La journée (est encore jeune) incarne l’expérience ultime. D’abord un balado produit dans un sous-sol (sous le nom La soirée (est encore jeune), la formule a ensuite pris d’assaut les ondes radio de Radio-Canada pour, à ce jour, être désormais transmise sur plusieurs plateformes du diffuseur public (radio, télé, balado). Au fil des ans et de ses différents formats de diffusion, on observe que l’authenticité de son contenu a été essentielle pour établir un lien fort avec l’audience, entraînant une croissance significative des cotes d’écoute.
Avec des auditeur.rices fidèles depuis des années, il était crucial pour les producteur.rices de préserver l’authenticité du contenu et du contexte, ce qui s’est révélé payant. Ce lien privilégié avec l’audience leur a ainsi permis d’aborder une variété de sujets tout en maintenant leur ton unique. Si les différentes transitions du balado à la radio, en passant par la télévision, ont suscité des questionnements sur les règles à suivre et les adaptations à apporter au contenu et au format, La journée (est encore jeune) a su conserver son authenticité tout au long de ce parcours, garantissant encore aujourd’hui son franc succès. Les panélistes ont d’ailleurs terminé en faisant ressortir que la réussite de l’émission repose d’abord et avant tout sur la force de son contenu, porté par une audace créative. Elle vit bien sur toutes les plateformes, car ses animateurs s’octroient le droit de tout dire, mais en respectant les codes de chacune d’elles.
Conclusion : la transformation de notre industrie encourage l’innovation
Devant les défis qui peuplent l’univers médiatique, les changements technologiques et les attentes croissantes des audiences, les médias et les annonceurs québécois doivent s’adapter tout en maintenant leur authenticité et leur pertinence, ce qui constitue un défi fort intéressant pour qui a envie d’y plonger. L’événement s’est ainsi conclu sur une note d’optimisme et d’encouragement à l’innovation.
Mission réussie pour cet événement riche en apprentissages et discussions qui nourriront la suite. C’est un rendez-vous l’an prochain pour une prochaine édition.
Rédigé par:
Catherine Labrie | Gestionnaire, développement des affaires et rayonnement, CARTIER
Marie Hérault | Analyste média, CARTIER
Édité et révisé par:
Marie-Eve Gauthier | Rédactrice et réviseure, CARTIER